Dans deux arrêts du 21 septembre 2017, la Cour de cassation prend en compte la réforme du droit des obligations pour modifier sa jurisprudence concernant la promesse d’embauche.

Dans deux arrêts du 21 septembre 2017, la Cour de cassation prend en compte la réforme du droit des obligations pour modifier sa jurisprudence concernant la promesse d’embauche (Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-20.103 FS-PBRI, Union sportive carcassonnaise c/ D. ; Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-20.104 FS-PBRI, Union sportive carcassonnaise c/ F).

Pour rappel, auparavant, la Cour de cassation considérait que la promesse d’embauche valait contrat de travail si les éléments essentiels du contrat de travail étaient présents dans cette promesse (emploi proposé et date d’entrée en fonctions). En cas de rupture, celle-ci s’analysait  en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (notamment Cass. soc. 15-12-2010 n° 08-42.951 F-PB).

Une telle jurisprudence était protectrice du candidat à l’emploi qui pouvait, même s’il n’était pas réellement intéressé par l’emploi proposé, néanmoins se retourner contre l’employeur si la promesse d’embauche était finalement rétractée.

Le 21 septembre 2017, la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence. Dans ses arrêts, elle affirme en effet qu’une distinction doit être faite entre :

La rétractation (i) avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut,

(iii) à l’issue d’un délai raisonnable, pourra être sanctionnée par l’octroi de

dommages et intérêts en cas de preuve, par le candidat, du préjudice subi ; et

La rétractation de l’employeur, dans le délai prévu par la promesse, n’empêchera

pas la formation du contrat.

Dans les deux cas, le contenu de l’écrit est identique puisque, selon la Cour de cassation, tant l’offre que la promesse unilatérale d’embauche précisent l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction.

A contenu identique, le concept d’ « offre de contrat de travail » est, à l’évidence, beaucoup moins risqué que le précédent concept de « promesse d’embauche » ou encore celui de « promesse unilatérale".

Afin de coller à ce concept, la rédaction de l’écrit sera déterminante et l’employeur devra être vigilant s’il ne veut pas se retrouver dans la deuxième hypothèse d’une promesse unilatérale du contrat.

Il faudra toutefois attendre les prochains arrêts sur la question pour mieux apprécier la distinction entre les notions d’offre et de promesse.

Références
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 21 septembre 2017
N° de pourvoi: 16-20103
Publié au bulletin Cassation

M. Frouin (président), président
SCP Marlange et de La Burgade, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail ;

Attendu que l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire ; que la rétractation de l'offre avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l'issue d'un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur ;

Attendu, en revanche, que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de travail promis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., joueur international de rugby, a reçu courant mai 2012 du club de rugby, société Union sportive carcassonnaise, une offre de contrat de travail pour la saison 2012/ 2013, à laquelle était jointe une convention prévoyant l'engagement pour la saison sportive 2012/ 2013, avec une option pour la saison suivante, une rémunération mensuelle brute de 3 200 euros, la mise à disposition d'un véhicule et un début d'activité fixé au 1er juillet 2012 ; que dans un courrier électronique adressé le 6 juin 2012 à l'agent du joueur, le club indiquait ne pas pouvoir donner suite aux contacts noué avec ce dernier ; que le 12 juin 2012, le joueur faisait parvenir le contrat au club, alors que, le lendemain, son agent adressait la promesse d'embauche signée ; que soutenant que la promesse d'embauche valait contrat de travail le joueur a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de sommes au titre de la rupture ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de rupture abusive du contrat de travail l'arrêt retient qu'il résulte d'un courrier électronique adressé, le 25 mai 2012, par le secrétariat du club qu'une promesse d'embauche a été transmise à l'agent et représentant du joueur de rugby, que la convention prévoit l'emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d'entrée en fonction, de sorte que cet écrit constitue bien une promesse d'embauche valant contrat de travail, que dans la mesure où le joueur a accepté la promesse d'embauche il en résultait qu'un contrat de travail avait été formé entre les parties et il importe peu que le club de rugby ait finalement renoncé à engager le joueur, même antérieurement à la signature du contrat par le joueur, que la promesse d'embauche engage l'employeur même si le salarié n'a pas manifesté son accord ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'acte du 25 mai 2012 offrait au joueur le droit d'opter pour la conclusion du contrat de travail dont les éléments essentiels étaient déterminés et pour la formation duquel ne manquait que son consentement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Frouin, président et M. Huglo conseiller doyen, en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour l'Union sportive carcassonnaise.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté l'existence d'une promesse d'embauche valant contrat de travail conclue entre la SASP Union sportive carcassonnaise et M. Adriu X...et D'AVOIR condamné la SASP Union sportive carcassonnaise à payer à M. Adriu X...la somme de 38. 400 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée à l'initiative de l'employeur ;

AUX MOTIFS QUE il résulte d'un courrier électronique adressé, le 25 mai 2012, par le secrétariat de la société Union sportive carcassonnaise qu'une promesse d'embauche a été transmise à M. Bruno Y..., agent et représentant du joueur de rugby, M. Adriu X...; que le 6 juin 2012, la société Union Sportive Carcassonnaise adressait à M. Y...agent du joueur un courrier électronique rédigé en ces termes : « comme vu avec notre président Frédéric Calamel, nous vous confirmons par la présente que nous ne pouvons pas donner suite aux contacts pris avec les joueurs Doug Z...et Adriu X.... Effectivement nous n'avons pas solutionné les reclassements de nos joueurs Paul A...et Sébastien B...évoluant au même poste, encore sous contrat pour la saison 2012/ 2013 et comptant dans notre masse salariale » ; que le 13 juin 2012, la promesse d'embauche signée par M. X...était retournée au club par l'intermédiaire de l'agent et représentant du joueur ; que par ailleurs, le joueur lui-même faisait parvenir, par courrier, le contrat, le 12 juin 2012, à la société Union sportive carcassonnaise ; que le contrat dont il s'agit qui est intitulé « contrat de travail d'un joueur de rugby professionnel saison 2012/ 2013 » prévoit dans son article premier que le club engage M. X...en qualité de joueur de rugby à compter du 1er juillet 2012 ; qu'il stipule également :- que l'engagement est pour une durée d'une saison sportive 2012/ 2013 avec une option pour une saison supplémentaire,- qu'une rémunération mensuelle brute de 3 200 euros est prévue pour la saison 2012/ 2013 ; que le début d'activité est, selon la convention, fixé au 1er juillet 2012 ; que dans un document annexe dénommé « convention », il est stipulé que le club s'engage à mettre à la disposition du joueur un logement et un véhicule pendant toute la durée du contrat ; que la convention prévoit donc l'emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d'entrée en fonction de sorte que cet écrit constitue bien une promesse d'embauche valant contrat de travail ; que dans la mesure où M. X...a accepté la promesse d'embauche il en résultait qu'un contrat de travail avait été formé entre les parties et il importe peu que le club de rugby ait finalement renoncé à engager le joueur, même antérieurement à la signature du contrat par le joueur ; qu'en effet la promesse d'embauche engage l'employeur même si le salarié n'a pas manifesté son accord ;

ALORS QUE l'écrit de l'employeur précisant l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction constitue une offre de contrat de travail ; que la rétractation de cette offre par son auteur, avant son acceptation par son destinataire, empêche la conclusion du contrat de travail projeté ; qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que le 25 mai 2012, la SASP Union sportive carcassonnaise a adressé à M. X...un projet de contrat précisant l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction, que le 6 juin 2012, elle a indiqué à M. X...qu'elle ne pouvait donner suite à cette prise de contact et que le 12 juin 2012, M. X...a néanmoins accepté l'emploi proposé le 25 mai 2012 ; que dès lors, en estimant que le projet de contrat adressé le 25 mai 2012 par la SASP Union sportive carcassonnaise à M. X...constituait une promesse d'embauche valant contrat de travail, quand il ressortait de ses propres constatations que cet écrit constituait une offre de contrat de travail qui avait été rétractée avant son acceptation par M. X..., ce qui excluait ainsi la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
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ECLI:FR:CCASS:2017:SO02063
Analyse
Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier , du 1 juin 2016

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